Il y a un peu plus de soixante ans, la vicomtesse Nancy Astor s’éteignait, laissant derrière elle un héritage aussi politique que joaillier. Ce mois-ci, l’un de ses joyaux les plus spectaculaires un diadème composé de turquoises et de diamants signé Cartier refait surface sur le marché pour la première fois.
Née Nancy Witcher Langhorne à Danville, en Virginie, Nancy Astor fut l’une des figures féminines les plus marquantes du XXe siècle. Première femme à siéger au Parlement britannique en 1919, brillante oratrice et figure mondaine incontournable, elle incarna aussi un certain art de vivre à l’anglaise, où élégance et conviction allaient de pair. Parmi ses attributs symboliques, quelques diadèmes entrés dans la légende.

L’un d’eux, pourtant, n’avait encore jamais été présenté en vente publique : un diadème Cartier d’inspiration orientale, orné de turquoises sculptées et de diamants, réalisé dans les années 1930 pour Lady Astor. Cette pièce rare et envoûtante sera mise aux enchères le 5 juin 2025 chez Bonhams Londres, avec une estimation comprise entre 250 000 et 350 000 £.
Une création unique dans l’histoire de Cartier
Le diadème, aujourd’hui connu sous le nom de “Astor Turquoise Tiara”, était initialement un bandeau de diamants qui a été enrichi par Cartier Londres en 1930. À la demande du joaillier, son atelier londonien — English Art Works — y ajouta des éléments sculptés en turquoise : plumes cannelées, feuilles stylisées, panneaux rayonnants. Ces ornements directement inspirés de l’art décoratif indien, persan et égyptien témoignent du goût de Cartier, à cette époque, pour les motifs orientalisants.
L’ensemble, d’une harmonie visuelle rare, fut inscrit dans les archives de Cartier en novembre 1930 et vendu le mois suivant au vicomte Astor, probablement comme cadeau de Noël à son épouse.
Un bijou à la croisée des mondes
C’est lors de la première londonienne du film City Lights de Charlie Chaplin en 1931 que Nancy Astor arbora pour la première fois ce diadème publiquement, photographiée avec Chaplin lui-même et George Bernard Shaw. Plus tard, elle le prêta à sa sœur Phyllis Langhorne Brand, pour une présentation officielle à la cour de Buckingham Palace.

Ce geste familial inspira un nouveau chapitre : en 1935, le mari de Phyllis, Robert Henry Brand, commanda un second diadème turquoise et diamant à Cartier, dans le même esprit que celui de Nancy. Ce « diadème-sœur » appartient désormais à la collection Cartier et est actuellement exposé au Victoria and Albert Museum de Londres, après avoir voyagé à Dallas, au Louvre Abu Dhabi, et dans plusieurs expositions majeures.
Un fragment d’histoire aux enchères
Le diadème turquoise de Lady Astor, aujourd’hui en vente, se distingue par un diamant central taille brillant, flanqué de trois panaches turquoise, chacun serti de tiges en diamants taille simple et brillante. De chaque côté, des panneaux en forme d’éventail, également taillés dans la turquoise, viennent encadrer la composition dans une mise en scène spectaculaire.
Ce diadème n’est pas seulement un chef-d’œuvre de la joaillerie Art Déco : il raconte une histoire de femmes visionnaires, de commandes intimes, de goûts partagés au sein d’une même famille, et d’un lien fort entre l’Amérique et l’Angleterre, incarné par Nancy Astor elle-même.